"Gars grand tu as" Marbre - 80 x 50 x 30
J'écoute la matière
Actuellement, je sculpte à l'extérieur avec les éléments naturels, toujours en taille directe.
Je puise dans ma partie préhistorique, pariétale, brute, instinctive, intuitive.
Les blocs que je choisis sont bruts, chargés de tellurisme et résonnent encore de leurs vibrations. Je recherche leur silence, j'ai envie de sentir leurs ondes, j'ai besoin de capter quelque
chose d'inconnu. Je les choisis parce qu'un échange s'établit, leur forme va définir les sculptures qu'ils deviendront.
Je regarde l'espace
Je ne sais pas ce qui viendra : un flash, une pensée, un rêve, un souvenir. Il n'y a pas de méthode, c'est la pulsion qui m'anime, au plus près du vivant. J'essaie de ressentir le volume à l'intérieur de moi comme si je le portais. J'utilise tout l'outillage pneumatique et électrique. Parfois c'est avec ma massette et mon taillant que je retrouve l’énergie du corps à corps de l'homme avec la matière.
J'écoute l'écho minéral de la pierre
C'est la partie minérale dans l'humain, celle qui résonne avec la mémoire de la matière qui nourrit mon travail et mes recherches.
Je suis la pierre, je suis le volume
La taille directe me permet d'être au plus prés de la vibration minérale, de créer un passage qui existe par la main. La main éclaire la ligne invisible de la structure naissante du volume, la limite du contour qui permet d'entrer dans la matière.
LE BOIS
Il intervient dans mon travail comme un interlude.
Même si je le sculpte comme la pierre je l'apprécie pour sa légèreté, sa facilité et sa plus grande rapidité à le travailler.
Il me permet de prendre du recul par rapport à la pierre et de retourner vers celle-ci en ayant plus d'énergie, tout en étant plus éclairé.
J'aime, aussi, ce mélange de la pierre et du bois, ce mélange du lourd et du léger, ce mélange de contrastes, de densités. Je les trouve contraires et parallèlement très complémentaires. J'aime les associer et les unir dans la forme que je leur donne.
LE GRAND
Considérant mes sculptures trop petites, j'ai, progressivement, ressenti le besoin de
m'exprimer, aussi, à travers le monumental.
Cette idée planait en moi depuis plusieurs années.
Le monumental me permet d'équilibrer le trop plein d'énergie qui fait parfois disparaître les petites sculptures , de déployer toute cette energie, de trouver une résonnance entre mon corps et la pierre, de donner de l'ampleur à ma gestuelle et de
me retrouver face à un bloc à échelle humaine.
Dans le monumental, je cherche la proportion qui capte l'énergie de la pierre.
Tailler du grand me permet de trouver d'autres univers, d'autres harmoniques en relation avec l'espace environnemental , ce que je ressens peu avec les petites sculptures.
Mais tailler du grand me met en danger, me met à nu. Je perds toutes mes connaissances, mes savoirs, mes techniques , mes contraintes.
Je me retrouve dans un nouveau rapport à la sculpture, source de réapprentissage, de
nouvelles problématiques et variantes, véritable renaissance.
Un nouveau vide créatif se révéle alors.
LA COULEUR
J'ai abandonné cette idée tout en la laissant mûrir
Après plusieurs hésitations avec des questionnements :
- Est-ce que je dénature la pierre ?
- Est-ce que je lui retire sa noblesse ?
- Est-ce que je lui enlève sa pureté ?
Je persévérais toujours dans la façon de peindre ma sculpture. Après plusieurs études et tableaux, je nettoyais mes pinceaux remplis de couleur noire en les frottant sur une sculpture en marbre de Carrare.
L'effet fût saisissant
La peinture rencontrait le marbre en renforçant les effets de ponçage et de taille, les révélant de manière différente et redonnant une nouvelle structure à la sculpture.Par le contraste des couleurs, un nouveau rythme, un nouveau dialogue était créé.
La transformation du polissage par la lumière minérale
N'appréciant pas le polissage, je cherchais donc un moyen de le remplacer. Pour moi, la définition du polissage est de faire imploser la lumière intérieure de la pierre pour la faire rayonner dans sa structure, architecture, extérieure en lui donnant un éclat, en éclairant la pierre.
Faire sortir la lumière minérale de la pierre m'offre de nouvelles perceptions. La couleur concentre l'énergie de la forme et la tempère en fonction de la lumière environnante (naturelle ou artificielle). Un nouveau langage est créé.
Des lapsus de couleurs se forment suivant l'environnement (couleurs des fleurs, terre, sol, nuages, herbe, lichens, rayons du soleil qui passent à travers les arbres, couleurs de la nuit, lune, voie lactée) La lumière cerne l'espace et l'emprisonne générant une nouvelle pulsation et un nouveau souffle dans la sculpture.
"Coul'ère 1" Peinture à l'huile 160 x 100
"Le sage"
"Deep father"
Calcaire, peinture à l'huile et pigments
225 x 150 x 100
"André Gence"
Marbre de carrare, et peinture à l'huile
40 x 20 x 10
La couleur devient tellurique
Harmonique ou chaotique, la couleur crée une atmosphère, une ambiance en écho avec le volume. Mais quand elle est trop chaotique elle fait disparaître la sculpture. J'organise mon chaos créatif en peignant sur de grandes plaques de bois pour transformer ces éruptions créatives.En me lâchant totalement dans la couleur, je fais descendre cette énergie violente pour retrouver la lumière minérale dans la sculpture.
Ce n'est pas la couleur qui fait exister la sculpture, c'est le volume, sa présence, son intensité, sa structure primale.
La couleur accentue la forme.
Il faut sculpter d'abord et ensuite peindre pour accompagner quelque chose de plus.
L'ordre n'est pas normé, il s'installe seul.
Les différentes techniques de peinture (bombe, peinture à l'huile, pigments naturels, sulfates,...) font ressortir la lumière minérale.
Je cherche une couleur minérale qui se rapproche de la matière :
- La couleur en écho avec la lumière de la pierre ;
- Le dialogue de la lumière intérieur avec l'extérieur.
La lumière minérale donne un nouveau rythme à la pierre.
Elle rayonne suivant le relief, le contour, la silhouette de la sculpture, avec l'espace sans apport de lumière extérieure (naturelle et artificielle).
Elle lui donne une transparence créée par le volume et les rythmes sculptés. Cette lumière fait devenir autonome la sculpture.
MA DÉMARCHE
Pendant longtemps j'ai sculpté uniquement comme un sculpteur de taille directe. Puis j'ai eu besoin de me libérer de la matière pour ne plus m'en sentir prisonnier.
Ayant vu une sculpture peinte par Keith Haring je fus étonné et en interrogation.
Pendant mon stage de sculpteur ornementaliste à Venise, je sculptais du marbre et lançais des pigmentsnaturels sur la sculpture.
J'ai du essayer plusieurs techniques pour fixer la couleur.
Impossible d'obtenir un résultat satisfaisant